Middlemarch

Middlemarch, de George Eliot, Folio Classique, juin 2011, 1152 pages, Roman, littérature anglaise. 

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  • Mon résumé version courte: Middlemarch, ville imaginaire créée par George Eliot, situé au cœur du XIX° siècle de l’Angleterre, est le miroir de ce qui se passe dans la société  britannique de ce siècle. Satire sociale, ce texte raconte la vie quotidienne des habitants de Middlemarch et de ses environs où manipulations et corruptions vont de paires avec réforme politique, choc de générations, poids religieux, hiérarchie sociale, mais aussi amitiés, loyautés…
  • Mon résumé version longue: Middlemarch se décompose en huit livres plus un « Final » et est animé par une foule de personnage dont le lecteur va suivre les pérégrinations pendant un peu plus de trois ans. Le fil directeur est assuré par Dorothea Brooke, épouse Casaubon; Dorothea est une femme atypique du XIX° siècle. Vertueuse et réfléchie, elle s’est fixée une ligne de conduite, issue de nombreux principes qui l’animent, à laquelle elle ne déroge pas. Bien qu’elle courbe l’échine, ses principes, au final, lui permettent d’être libre et heureuse. En effet, bien que respectant les conventions de son temps tel le fait d’accepter d’être considérée par son vieux mari jaloux et possessif, M. Casaubon, comme appartenant au sexe inférieur, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle en souffrira mais transformera par la suite cette faiblesse en force. Elle est d’ailleurs très appréciée de ses concitoyens qui louent sa pureté d’âme. Sa sœur, Célia Brooke, épouse Chettam, est nettement moins féministe dans l’âme et se complait à se ranger du point de vue de son mari, Sir James Chettam, sur toutes les questions ne pouvant être traitées par une femme. Complices, les sœurs Brooke ne mènent pas leur vie, et plus particulièrement leur vie conjugale de la même façon, mais leur lien de sœur est inébranlable, et leur oncle, M. Brooke, est un socle solide de la famille Brooke. Ayant pris les sœurs Brooke sous son aile dès la mort de leurs parents, il leur laisse la possibilité de faire leur propre choix, notamment en matière de mariage. Le fait qu’il leur laisse une telle liberté, n’empêchera pas Dorothea de se tromper mais il ne peut être opposé à M. Brooke d’avoir été de mauvais conseils, bien au contraire! M. Brooke semble être un homme d’affaires qui touche à tout, « comprenez-vous » comme il aime à le dire: politique,  journalisme, gestion de domaines, chasseur de nouveaux talents par exemple avec le cousin de M. Casaubon, Will Ladislaw. Ce dernier est un artiste dans l’âme, mais également un jeune homme qui se cherche et qui se réalisera pleinement grâce à l’intervention de M. Brooke, lorsqu’il achètera le journal Le Pionner. Ladislaw est mon personnage préféré. Son évolution personnelle et professionnelle lui donnera progressivement confiance en lui, et il m’a plu de le suivre et de voir que son honnêteté intellectuelle, mise à rude épreuve, est restée intacte. En effet, une révélation de taille faite par le banquier le plus célèbre de Middlemarch sur ses origines, M. Bulstrode, aurait pu le rendre riche et lui conférer l’assise sociale de son rang. Mais l’amour qu’il porte à Dorothea, l’épouse de son cousin Casaubon, l’empêche d’accepter la proposition de Bulstrode, source d’un déshonneur assuré. Rosamond Vincy, épouse de Tertius Lydgate, apprécie par ailleurs la fraîcheur et la joie de Will car tous deux aiment chanter et jouer du piano. Pourtant Rosamond, n’aime rien ni personne à part elle-même; soucieuse des apparences et du qu’en dira-t-on, elle est championne dans l’art de la manipulation des hommes. Elle ne saura pas apprécier les qualités de son mari, le Dr Lydgate, qui lui attache énormément d’importance à son bonheur et son confort. Jeune médecin, Lydgate a pour ambition de révolutionner à son échelle la médecine et dispose d’un esprit fortement novateur pour son temps; malheureusement, son attitude sera mal perçue par ses pairs qui lui mettront de nombreux bâtons dans les roues; par ailleurs, les dettes accumulées en raison de son installation avec sa femme le rattraperont et le désintérêt de celle-ci conjugué à ses reproches non justifiés le tireront vers le bas. Rosamond est la fille de M. Vincy, le maire de Middlemarch, ce qui peut expliquer, dans une certaine mesure, cette sensibilité au paraître. Son frère, Fred Vincy, a lui aussi un rapport particulier avec l’argent (problème de jeu). Il ruinera d’ailleurs la famille Garth, dont le patriarche, Caleb Garth, s’était engagé en qualité de caution; en revanche, Fred aura la capacité de changer, mais le chemin sera long et difficile. Là encore, son moteur vient de l’amour qu’il porte à Marie Garth; bien qu’il se sente coupable d’avoir entraîné les Garth dans sa chute, Marie se sentira également coupable vis-à-vis de lui suite à une inaction de sa part quant à un testament écrit par son employeur,l’homme d’église M. Featherstone, quelques heures avant sa mort. Marie Garth, bien que n’ayant pas la beauté de Rosamond, a la beauté du cœur; c’est pourquoi elle sera également courtisée par un homme d’église, M. Farebrother.

Je vais m’arrêter là, vous ayant globalement présenté les personnages principaux, car je me rends compte qu’ à part vous décrire les personnages et plus ou moins les liens entre eux, il est difficile de résumé une telle oeuvre! Tout ces middlemachiens, et tant d’autres, sont liés d’une quelconque manière entre eux, par les histoires passées qui refont surface, par leur appartenance à leurs classes sociales, réceptions et mariages, sans oublier le milieu des affaires.

  •  Mes impressions: Bien qu’ayant eu des difficultés à entrer dans cet univers peint par George Eliot, je peux vous dire que j’ai adoré cet ouvrage! Il s’agit d’un classique incontournable de la littérature anglaise que je suis ravie d’avoir découvert. En revanche, il s’agit d’une lecture extrêmement exigeante qui ne laisse place à aucune « rêverie »; chaque mot -sur les 1100 pages- a été choisi avec soin et donne le sens que l’auteur a voulu donné au texte sans interprétation possible. J’ai donc peiné sur les 700 premières pages, notamment parce que le narrateur (l’auteur?) est omniprésent et omniscient; la moindre conversation, pensée, action est commentée et analysée de façon objective et remarquable; cela m’a perturbée pendant un long moment. De plus, les liens entre les personnages ne sont pas clairement établis dès qu’on les rencontre et on se perd facilement dans cette foule d’individus sans cesse en mouvement. Par la suite, je m’y suis habituée et ai regretté d’être arrivée au point final…c’est pour dire! Middlemarch donc est une oeuvre complète, complexe et satirique de la société anglaise du XIXème siècle. Les mutations qui s’opèrent sont palpables mais la réticence de la noblesse anglaise accrochée à ses pouvoirs fait force. Cela est perceptible au livre II. Vieux et jeunes, notamment avec le Dr Lydgate qui a l’ambition de découvrir de nouveaux remèdes, ou plus largement avec la réforme politique qui échouera -mais là j’ai trop de carence en la matière pour en discuter- Il est question de la femme et de sa place au sein de la société; dans les milieux aisés, seuls les mariages arrangés ont la côte. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir leurs époux. Dorothea avec M. Casaubon et Rosamond avec Lydgate. Mais leur féminité n’est pas utilisée de la même manière: Dorothea,  malgré sa beauté, est une femme cérébrale qui attache une importance capitale, voire vitale, à faire le bien autour d’elle; elle veut s’inscrire dans un schéma sur le long terme qui va au-delà d’elle et de Middlemarch, d’où sa volonté de se marier avec Casaubon, qui peut l’élever intellectuellement parlant. Rosamond, elle, est égoïste et même vulgaire et se sert de ses atours pour arriver à ses fins, ce qui la rend détestable. Dorothea, au final sera heureuse, tandis que Rosamond malgré une prise de conscience tardive ne me semble pas approcher le bonheur…car le vrai bonheur ne réside aucunement dans les apparats d’un milieu social. La religion est aussi un sujet largement évoqué; à la fois vénale pour certains, elle est soutien psychologique pour d’autres. Les activités masculines très en vogue  à ce moment là sont évoquées, comme les cercles de jeux et l’addiction à la boisson, mais demeurent davantage connotées comme un mal de ce siècle pour les gens aisés. Et Middlemarch traite aussi du poids du passé, des secrets qui refont surface (Bulstrode et Rigg), de loyauté, de honte, bref de tout ce qui anime l’être humain: peu importe ce qui est fait, l’essentiel est ce qui en découlera!      
George Eliot (1819-1880): de son vrai nom Mary Ann Evans, elle naît et grandit dans le Warwickshire, dans un milieu de classe moyenne traditionnelle et conservatrice, duquel son intelligence et ses aspirations intellectuelles la pousseront très tôt à s’émanciper. Elle acquiert par elle-même un savoir substantiel et varié dans les domaines de la philosophie et de la théologie qui lui donne accès aux cercles intellectuels les plus en vue. Elle traduit la vie de Jésus de Strauss en 1846 et l’essence du Christianisme de Feuerbach en 1854, écrit à partir de 1851 pour la Westminster Review où elle rencontre le journaliste et essayiste H.G. Lewes dont elle va alors partager la vie pendant plus de vingt-ans; ce choix d’union libre avec un  homme marié à l’ère victorienne, témoigne à lui seul du tempérament d’une femme forte de ses propres valeurs morales et intellectuelles. Lewes l’encourage à écrire des romans qui vont lui ouvrir les portes du succès. A la mort de Lewes en 1878, elle est une figure prééminente du monde de la littérature et de la pensée; elle épouse en 1880 un homme plus jeune qu’elle, et meurt la même année.
Œuvres essentielles: Le Moulin sur la Floss, Adam Bede, Silas Marner, Romola, Felix Holt le radical, Middlemarch étude de la vie de province, Daniel Deronda.
Source: Guide de la littérature britannique des origines à nos jours, sous la direction de Jean Pouvelle et Jean-Pierre Demarche, Ellipses, (page 195)

Je suis ravie d’être allée au bout de cette lecture exigeante car je serais indéniablement passée à côté de beaucoup de choses si je n’avais pas tenu bon; je ne peux que vous inviter à vous immerger dans Middlemarch en vous conseillant cependant d’avoir du temps devant vous (3 mois pour moi) et une réelle motivation; il faut l’apprécier et le digérer, mais quel délice!

Un grand merci à Adalana qui m’a entraînée dans cette LC (LCD, Lecture Commune Décalée pour moi); je l’inscris dans le challenge victorien 2013 d’Arieste, et celui de Jacques à dit « nom de ville » de Métaphore.

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16 réflexions sur “Middlemarch

    1. Je suis très contente d’avoir été bout; un peu laborieux au départ, mais un beau feu d’artifice à l’arrivée (oula je suis inspirée moi ce soir, ça doit être l’effet boomerang de 2h de yoga…) 🙂

  1. Ping : George Eliot – Middlemarch | Adalana's Imaginary World

  2. Ça y est, j’ai enfin pu prendre le temps de lire ton billet (après le petit déjeuner, c’est le meilleur moment !), et du coup, ça m’a replongée dans l’histoire ! Je ne pense pas que je le relirai un jour mais j’aimerais bien voir une adaptation !
    Merci pour cette LCD ! 😉

    1. Oui, après ou pendant le p’tit déj, j’ai fait le tour des blogs cette année, de bonnes habitudes lol; je parle au passé parce que malheureusement les grandes vacances sont finies et retour au travail…il serait intéressant de voir une adaptation, bonne idée! Merci de m’avoir entrainée avec toi!

    1. ll faut passer un cap avec Middlemarch; en revanche, je suis sûre que ce désespoir disparaîtra car un jour tu seras dans l’état d’esprit pour aller au bout et tu t’en délecteras 🙂

  3. Ping : Challenge "Jacques a dit" – Septembre – Ville | Métaphore

  4. Ping : La lanterne magique d’un assoupissement… : George Eliot, l’autre Proust – Femmes de lettres

  5. A propos d’adaptation il me semble avoir entrevu la présentation d’une série inspirée par le livre. Je viens d’en terminer la lecture alléchée par les commentaires d’une amie anglophone et par la presse autour du livre de Mona Ozouf. J’ai découvert votre article qui m’a aidé à faire mon propre plan des personnages du livre.
    Captivée par les thèmes entrelacés,l’art du suspente, la psychologie des personnages et l’humanisme avec lequel même les pires sont traités, les liens que l(on ne peut s’empêcher d’ établir entre le XIXeme anglais et notre époque, le rapport à la nature, bref beaucoup de qualités…je l’ai lu en quelques jours et prend un grand plaisir à y revenir .
    huguette Galante.
    cordialement Blog trainsurtrainghv.com

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