Long week-end

Long week-end, de Joyce Maynard, 10/18, janvier 2014, 252 pages, littérature américaine.

long week endMon résumé: Dans la vie d’Henri il y a eu papa et maman. Puis Papa d’un côté et Maman de l’autre. Papa a refait sa vie avec Marjorie et son fils, Richard. Papa et Marjorie ont eu Chloé. Maman est restée seule, en marge de la société, parce qu’elle est unique et une artiste. Mais aussi parce que en tant que femme elle a souffert. Et puis il y a eu Maman et Franck…

La vie d’Henri, un adolescent de treize ans, va prendre un tournant inattendu lors d’un Labor Day, la fête du travail états-unienne, qui  a lieu le 1er septembre. Henri, comme beaucoup d’enfant, vit avec sa mère, Adèle, suite à la séparation de ses parents quand il était plus jeune. Adèle est une belle femme dont le comportement ne ressemble pas à celui d’une mère « classique »: elle n’a pas de boulot fixe -elle vend des vitamines par téléphone- pas de vie sociale si ce n’est Evelyne, une maman dont le fils unique est handicapé, se terre chez elle, dans sa maison excentrée des voisins, et ne se nourri que de boîtes de conserves et autres mets peu appétissants. Aussi lorsque Franck, un prisonnier évadé, entre de manière incongrue dans la vie d’Henri et d’Adèle, le temps va être comme suspendu au cours de ce long week-end qui va marquer un moment charnière dans leur vie…Il n’y aura aucune violence, bien au contraire, juste des vies qui s’entrelacent pour n’en former qu’une.

Mes impressions: L’histoire se place sous le regard d’Henri, qui observe et analyse les événements du haut de ses treize ans, alors qu’il doit lui-même gérer ses problèmes existentiels d’adolescent mâle. Difficile de découvrir que sa mère est aussi une femme et peut avoir un autre sens d’intérêt que soi-même. Possessivité, jalousie, abandon se mêlent à l’envie d’être comme les autres, d’avoir une famille, de partager des activités d’hommes tels le Baseball, le bricolage mais aussi la cuisine. Le moment de l’adolescence est donc soulevé à travers Henri et Eleanor, une adolescente mal dans sa peau à tendance anorexique, qui découvrent la sexualité. C’est aussi la rencontre sentimentale d’un homme et d’une femme, deux écorchés de la vie, qui sont fait pour se rencontrer. Mais la vie, injuste et cruelle, va mettre fin à leurs projets. Pourtant, ce partage signe la rencontre de leur vie.

Ce roman moderne illustre à merveille le fait qu’une vie peut vaciller à tout moment, selon des rencontres bien souvent inattendues. Même si j’ai tiqué sur la rencontre d’Adèle et Franck quelque peu grossière au supermarché, la narration est si bien menée que l’on plonge dans la chaleur de ce roman. Je ne pensais pas autant apprécié la vision d’Henry, dont on se sent proche; l’auteur amène habilement les conséquences de ce weekend dans la vie d’Henri, devenu adulte. Rien n’est anodin, et les événements s’incrémentent entre eux; j’ai aimé prendre en cours de route la vie d’Henri qu’on ne lâche que lorsqu’il est devenu adulte!  

 Bref, de nombreux thèmes sont abordés dans ce roman qui se lit d’une traite. Un joli moment de lecture. Je remercie Adalana qui m’entraîne régulièrement dans des LC toutes plus intéressantes les unes que les autres dans des registres variés.

LC à l’occasion de la sortie du film tiré du livre le 30 avril 2013, que je compte aller voir!  

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Nouvelle participation au challenge US de Noctenbule, au challenge Romancières Américaines de Miss G.

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Autant en emporte le vent Tome I

Autant en emporte le vent, tome 1, de Margaret Mitchell, Folio, novembre 1996, 477 pages, littérature américaine.

autantenemporteMon résumé: Ce premier opus de Autant en emporte le vent nous immerge au cœur des Etats-Unis d’Amérique, en ces années 1860, alors que la guerre de Sécession éclate, et se place du point de vue des hommes blancs des Etats du Sud, les états confédérés. C’est sous cette tragédie historique de scission entre un Nord industriel et un Sud rural, que vont naître désir, passion, soif de vivre, dans un climat de jalousie, de privation, et de guerre, le tout encadré par les règles de la bienséance.

 Mes impressions: Difficile d’écrire un billet sur cette oeuvre majeure de la littérature américaine. Autant en emporte le vent -tome 1- est un tourbillon de vie dans lequel le lecteur se glisse et fait la connaissance du domaine de Tara où  prédomine l’impétueuse Scarlett O’ Hara, fille aînée du maître des lieux, Gérald O’ Hara

Scarlett, du haut de ses seize ans,  a la beauté de sa mère, Ellen, et malgré l’éducation privilégiée des jeunes filles de bonne famille qui lui a été prodiguée, le caractère de son père resurgit quotidiennement: elle est à la fois farouche, mielleuse, sincère, désagréable, mauvaise et égoïste, et ne s’intéresse à rien d’autre si ce n’est aux pique-niques locaux et a son attrait sur les hommes. Elle n’est pas intelligente, mais elle est si drôle et manipulatrice qu’on apprécie son côté terre à terre et son insensibilité à la culture générale. Scarlett n’est pas aimée des autres femmes de son entourage à l’exception de sa mère, leur domestique, et de la tendre Mélanie Wikles. En effet, cette séductrice dans l’âme aime la compagnie des fils des notables de la région, danser et chanter et être le centre de l’attention; par conséquent,  qualifiée de « dévergondée » elle ne peut que susciter la jalousie chez les jeunes et choquer les plus âgées. Aussi lorsque le bel Ashley Wilkes, homme qu’elle aime secrètement, lui échappe en décidant d’épouser la frêle Mélanie, Scarlett monte un stratagème pour qu’Ashley renonce à son mariage. Face à l’échec de son annonce, elle se voit épouser le frère de Mélanie, un homme qu’elle trouve repoussant, Charles Hamilton. Bien que délivrée de ce mariage rapidement grâce à la guerre -Charles meurt au front- elle mettra au monde le petit Wade dont elle n’a cure. Son statut de veuve l’entraînera à Atlanta, auprès de Mélanie et de la Tante Pitty, famille de son défunt mari. Pour Scarlett, qui déteste Mélanie et nourrit de mauvaises aspirations à son égard, vivre à Atlanta lui permet de profiter des bals de la ville et d’être présente dans la vie d’Ashley qui se bat contre les Yankees. En échange, elle supporte la gentillesse et la bonté débordante de Mélanie et son rôle d’infirmière à l’hôpital. Sa vie est également rendue plus agréable grâce aux cadeaux que lui fait le ténébreux Rhett Butler…

Ah, ce Rhett Butler! Si envoûtant, si énigmatique, si électrique…je fondrais devant lui! Sa force tranquille et virile inspire la confiance, tandis que ses côtés malicieux, débrouillard et provocateur le servent à merveille. Rhett n’est pas un héro de guerre et en cela il dérange les Sudistes, il est un homme qui refuse de mourir pour la gloire, et surfe sur l’Histoire pour s’en sortir. Les passages où Rhett apparaît sont ceux que j’ai préféré; ils sont drôles, parfois romantiques mais si provocateurs que je m’en suis délectée et ne m’en lasse guère.

Qui dit Autant en emporte le vent dit Scarlett O’Hara et Rhett Butler. Mais il serait réducteur voire insultant de ne résumer ce livre qu’à cette histoire d’amour qui me subjugue tant! Gone with the wind est une fiction au cœur d’un événement capital dans la construction des Etats-Unis d’Amérique qui occupe une place toute aussi centrale que cette histoire d’amour; de la lutte des idées à celle du terrain, il n’y a qu’un pas et Margaret Mitchell à réussi avec brio ce roman historique dans ce premier tome en retraçant la guerre de Sécession et ses batailles. Elle pose par ailleurs, de nombreux sujets de réflexion que sont la place des noirs mais du point de vue des blancs -dommage-, les conséquences de la guerre – une ville assiégée (Atlanta), les femmes à l’arrière, les hommes au front, la stratégie militaire-  le choix des hommes façonné par leur position sociale et éducative -se battre pour une cause, se battre parce que c’est comme ça, déserter- et l’évolution sociale induite.

A lire absolument! 

Tomes II et III à suivre…

Nouvelle participation au challenge US de Noctenbule, au challenge Romancières Américaines de Miss G, Gilmore Girls de Touloulou, et Littérature du XIXè de Fanny avec qui j’ai fait une LC tardive!

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Challenge XIXe s

Middlemarch

Middlemarch, de George Eliot, Folio Classique, juin 2011, 1152 pages, Roman, littérature anglaise. 

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  • Mon résumé version courte: Middlemarch, ville imaginaire créée par George Eliot, situé au cœur du XIX° siècle de l’Angleterre, est le miroir de ce qui se passe dans la société  britannique de ce siècle. Satire sociale, ce texte raconte la vie quotidienne des habitants de Middlemarch et de ses environs où manipulations et corruptions vont de paires avec réforme politique, choc de générations, poids religieux, hiérarchie sociale, mais aussi amitiés, loyautés…
  • Mon résumé version longue: Middlemarch se décompose en huit livres plus un « Final » et est animé par une foule de personnage dont le lecteur va suivre les pérégrinations pendant un peu plus de trois ans. Le fil directeur est assuré par Dorothea Brooke, épouse Casaubon; Dorothea est une femme atypique du XIX° siècle. Vertueuse et réfléchie, elle s’est fixée une ligne de conduite, issue de nombreux principes qui l’animent, à laquelle elle ne déroge pas. Bien qu’elle courbe l’échine, ses principes, au final, lui permettent d’être libre et heureuse. En effet, bien que respectant les conventions de son temps tel le fait d’accepter d’être considérée par son vieux mari jaloux et possessif, M. Casaubon, comme appartenant au sexe inférieur, il n’en demeure pas moins vrai qu’elle en souffrira mais transformera par la suite cette faiblesse en force. Elle est d’ailleurs très appréciée de ses concitoyens qui louent sa pureté d’âme. Sa sœur, Célia Brooke, épouse Chettam, est nettement moins féministe dans l’âme et se complait à se ranger du point de vue de son mari, Sir James Chettam, sur toutes les questions ne pouvant être traitées par une femme. Complices, les sœurs Brooke ne mènent pas leur vie, et plus particulièrement leur vie conjugale de la même façon, mais leur lien de sœur est inébranlable, et leur oncle, M. Brooke, est un socle solide de la famille Brooke. Ayant pris les sœurs Brooke sous son aile dès la mort de leurs parents, il leur laisse la possibilité de faire leur propre choix, notamment en matière de mariage. Le fait qu’il leur laisse une telle liberté, n’empêchera pas Dorothea de se tromper mais il ne peut être opposé à M. Brooke d’avoir été de mauvais conseils, bien au contraire! M. Brooke semble être un homme d’affaires qui touche à tout, « comprenez-vous » comme il aime à le dire: politique,  journalisme, gestion de domaines, chasseur de nouveaux talents par exemple avec le cousin de M. Casaubon, Will Ladislaw. Ce dernier est un artiste dans l’âme, mais également un jeune homme qui se cherche et qui se réalisera pleinement grâce à l’intervention de M. Brooke, lorsqu’il achètera le journal Le Pionner. Ladislaw est mon personnage préféré. Son évolution personnelle et professionnelle lui donnera progressivement confiance en lui, et il m’a plu de le suivre et de voir que son honnêteté intellectuelle, mise à rude épreuve, est restée intacte. En effet, une révélation de taille faite par le banquier le plus célèbre de Middlemarch sur ses origines, M. Bulstrode, aurait pu le rendre riche et lui conférer l’assise sociale de son rang. Mais l’amour qu’il porte à Dorothea, l’épouse de son cousin Casaubon, l’empêche d’accepter la proposition de Bulstrode, source d’un déshonneur assuré. Rosamond Vincy, épouse de Tertius Lydgate, apprécie par ailleurs la fraîcheur et la joie de Will car tous deux aiment chanter et jouer du piano. Pourtant Rosamond, n’aime rien ni personne à part elle-même; soucieuse des apparences et du qu’en dira-t-on, elle est championne dans l’art de la manipulation des hommes. Elle ne saura pas apprécier les qualités de son mari, le Dr Lydgate, qui lui attache énormément d’importance à son bonheur et son confort. Jeune médecin, Lydgate a pour ambition de révolutionner à son échelle la médecine et dispose d’un esprit fortement novateur pour son temps; malheureusement, son attitude sera mal perçue par ses pairs qui lui mettront de nombreux bâtons dans les roues; par ailleurs, les dettes accumulées en raison de son installation avec sa femme le rattraperont et le désintérêt de celle-ci conjugué à ses reproches non justifiés le tireront vers le bas. Rosamond est la fille de M. Vincy, le maire de Middlemarch, ce qui peut expliquer, dans une certaine mesure, cette sensibilité au paraître. Son frère, Fred Vincy, a lui aussi un rapport particulier avec l’argent (problème de jeu). Il ruinera d’ailleurs la famille Garth, dont le patriarche, Caleb Garth, s’était engagé en qualité de caution; en revanche, Fred aura la capacité de changer, mais le chemin sera long et difficile. Là encore, son moteur vient de l’amour qu’il porte à Marie Garth; bien qu’il se sente coupable d’avoir entraîné les Garth dans sa chute, Marie se sentira également coupable vis-à-vis de lui suite à une inaction de sa part quant à un testament écrit par son employeur,l’homme d’église M. Featherstone, quelques heures avant sa mort. Marie Garth, bien que n’ayant pas la beauté de Rosamond, a la beauté du cœur; c’est pourquoi elle sera également courtisée par un homme d’église, M. Farebrother.

Je vais m’arrêter là, vous ayant globalement présenté les personnages principaux, car je me rends compte qu’ à part vous décrire les personnages et plus ou moins les liens entre eux, il est difficile de résumé une telle oeuvre! Tout ces middlemachiens, et tant d’autres, sont liés d’une quelconque manière entre eux, par les histoires passées qui refont surface, par leur appartenance à leurs classes sociales, réceptions et mariages, sans oublier le milieu des affaires.

  •  Mes impressions: Bien qu’ayant eu des difficultés à entrer dans cet univers peint par George Eliot, je peux vous dire que j’ai adoré cet ouvrage! Il s’agit d’un classique incontournable de la littérature anglaise que je suis ravie d’avoir découvert. En revanche, il s’agit d’une lecture extrêmement exigeante qui ne laisse place à aucune « rêverie »; chaque mot -sur les 1100 pages- a été choisi avec soin et donne le sens que l’auteur a voulu donné au texte sans interprétation possible. J’ai donc peiné sur les 700 premières pages, notamment parce que le narrateur (l’auteur?) est omniprésent et omniscient; la moindre conversation, pensée, action est commentée et analysée de façon objective et remarquable; cela m’a perturbée pendant un long moment. De plus, les liens entre les personnages ne sont pas clairement établis dès qu’on les rencontre et on se perd facilement dans cette foule d’individus sans cesse en mouvement. Par la suite, je m’y suis habituée et ai regretté d’être arrivée au point final…c’est pour dire! Middlemarch donc est une oeuvre complète, complexe et satirique de la société anglaise du XIXème siècle. Les mutations qui s’opèrent sont palpables mais la réticence de la noblesse anglaise accrochée à ses pouvoirs fait force. Cela est perceptible au livre II. Vieux et jeunes, notamment avec le Dr Lydgate qui a l’ambition de découvrir de nouveaux remèdes, ou plus largement avec la réforme politique qui échouera -mais là j’ai trop de carence en la matière pour en discuter- Il est question de la femme et de sa place au sein de la société; dans les milieux aisés, seuls les mariages arrangés ont la côte. Pourtant, elles sont de plus en plus nombreuses à choisir leurs époux. Dorothea avec M. Casaubon et Rosamond avec Lydgate. Mais leur féminité n’est pas utilisée de la même manière: Dorothea,  malgré sa beauté, est une femme cérébrale qui attache une importance capitale, voire vitale, à faire le bien autour d’elle; elle veut s’inscrire dans un schéma sur le long terme qui va au-delà d’elle et de Middlemarch, d’où sa volonté de se marier avec Casaubon, qui peut l’élever intellectuellement parlant. Rosamond, elle, est égoïste et même vulgaire et se sert de ses atours pour arriver à ses fins, ce qui la rend détestable. Dorothea, au final sera heureuse, tandis que Rosamond malgré une prise de conscience tardive ne me semble pas approcher le bonheur…car le vrai bonheur ne réside aucunement dans les apparats d’un milieu social. La religion est aussi un sujet largement évoqué; à la fois vénale pour certains, elle est soutien psychologique pour d’autres. Les activités masculines très en vogue  à ce moment là sont évoquées, comme les cercles de jeux et l’addiction à la boisson, mais demeurent davantage connotées comme un mal de ce siècle pour les gens aisés. Et Middlemarch traite aussi du poids du passé, des secrets qui refont surface (Bulstrode et Rigg), de loyauté, de honte, bref de tout ce qui anime l’être humain: peu importe ce qui est fait, l’essentiel est ce qui en découlera!      
George Eliot (1819-1880): de son vrai nom Mary Ann Evans, elle naît et grandit dans le Warwickshire, dans un milieu de classe moyenne traditionnelle et conservatrice, duquel son intelligence et ses aspirations intellectuelles la pousseront très tôt à s’émanciper. Elle acquiert par elle-même un savoir substantiel et varié dans les domaines de la philosophie et de la théologie qui lui donne accès aux cercles intellectuels les plus en vue. Elle traduit la vie de Jésus de Strauss en 1846 et l’essence du Christianisme de Feuerbach en 1854, écrit à partir de 1851 pour la Westminster Review où elle rencontre le journaliste et essayiste H.G. Lewes dont elle va alors partager la vie pendant plus de vingt-ans; ce choix d’union libre avec un  homme marié à l’ère victorienne, témoigne à lui seul du tempérament d’une femme forte de ses propres valeurs morales et intellectuelles. Lewes l’encourage à écrire des romans qui vont lui ouvrir les portes du succès. A la mort de Lewes en 1878, elle est une figure prééminente du monde de la littérature et de la pensée; elle épouse en 1880 un homme plus jeune qu’elle, et meurt la même année.
Œuvres essentielles: Le Moulin sur la Floss, Adam Bede, Silas Marner, Romola, Felix Holt le radical, Middlemarch étude de la vie de province, Daniel Deronda.
Source: Guide de la littérature britannique des origines à nos jours, sous la direction de Jean Pouvelle et Jean-Pierre Demarche, Ellipses, (page 195)

Je suis ravie d’être allée au bout de cette lecture exigeante car je serais indéniablement passée à côté de beaucoup de choses si je n’avais pas tenu bon; je ne peux que vous inviter à vous immerger dans Middlemarch en vous conseillant cependant d’avoir du temps devant vous (3 mois pour moi) et une réelle motivation; il faut l’apprécier et le digérer, mais quel délice!

Un grand merci à Adalana qui m’a entraînée dans cette LC (LCD, Lecture Commune Décalée pour moi); je l’inscris dans le challenge victorien 2013 d’Arieste, et celui de Jacques à dit « nom de ville » de Métaphore.

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Un conte de deux villes

Un conte de deux villes, de Charles Dickens, préface de Jean Gattégno, Folio, 418 pages.

  • conte de deux villeRésumé: Seul roman historique de Charles Dickens, Un conte de deux villes, écrit en 1859, met en parallèle Londres et Paris à la fin du XVIII° siècle. Il s’agit ici de mettre en avant la Révolution française, les personnages créés par l’écrivain, bien qu’importants, lui permettent d’aborder l’avant et pendant Révolution. Il n’en demeure pas moins vrai que les protagonistes ont des profils psychologiques riches et variés qui donnent énormément de saveur au texte. Le personnage central est le Dr Manette, appelé aussi le Dr de Beauvais, un français, qui est le satellite autour de qui gravite l’ensemble des autres personnages. Il a été incarcéré – à tort apprendrons-nous par la suite- en France, à la prison de la Bastille au 105, Tour Nord. A sa sortie de prison, il ira chez son ancien domestique, M. Défarge, cabaretier de métier, époux de Mme Défarge qui se plaît à tricoter, et exercera le métier de cordonnier enfermé dans un appartement , rue du faubourg St Antoine. Les isolements successifs seront à la fois sa force et sa faiblesse. Sa fille, la belle et tendre Lucie, qu’il n’a jamais connue, accompagnée de Jorvis Lorry, un banquier de la renommée banque Tellson de Londres, viendra le chercher et le ramener non seulement en Angleterre mais aussi à la vie! M. Lorry se caractérise essentiellement par son professionnalisme et sa loyauté envers son employeur. Les Manette et M. Lorry seront amenés à témoigner lors d’un procès d’un certain Charles Darnay, de nationalité française, à Londres, pour avoir voyagé avec ce dernier lors de leur retour. Le jeune homme, semble subjugué par Lucie alors même qu’il risque la peine de mort. Cet événement marque le début de leur idylle qui aboutira à leur mariage. C’est également lors de ce procès que nous rencontrerons Sydney Carton, homme travaillant dans l’ombre de M. Stryver, avocat aux dents très longues
    qui défendent l’accusé Charles Darnay. Stryver aime appelé son acolyte le « chacal » car Carton est un ivrogne, bourru, mal aimable qui cache une sensibilité considérable sous cette carapace qui se révèle au fur et à mesure de l’histoire bien évidemment. De l’autre côté de la Manche, nous assistons aux brimades quotidiennes du peuple français, dont les Défarge sont l’illustration de la grogne montante jusqu’à ce que la révolution prenne définitivement forme. Contre toute attente, un cas de force majeur c’est à dire une question de vie ou de mort, ramène Charles Darnay en France, dont la véritable identité est mise à jour par les citoyens révolutionnaires. Descendant de l’aristocratie française, il est jeté en prison en attendant son procès. Ayant quitté secrètement Londres pour ne pas inquiéter sa famille dans cette affaire, cette dernière suivra sa trace afin de le sauver. Et tout ce monde, auquel il convient de rajouter Jerry Cruncher, homme à tout faire de M. Lorry et Miss Pross, dame de compagnie de Lucie, va être lié à tout jamais dans un fait historique majeur, animé sous la délicieuse plume de Charles Dickens.
  • Mes impressions: Que dire de ce texte magistral… Si en lisant De grandes espérances j’avais eu du mal à pénétrer dans l’histoire, il n’en a rien été avec Un conte de deux villes. Dès le début, Dickens nous happe dans son histoire ainsi que dans l’Histoire; j’ai fait un bon de quelques siècles et ai vécu le temps de ma lecture en cette fin du XVIII° siècle tant à Paris qu’à Londres. Cependant, Paris et Bastille sont davantage au coeur du livre: Paris, la sanguinaire et Londres le refuge. A travers ses personnages, l’auteur peint une partie des relations pécuniaires qui liaient les deux capitales au travers de la Banque Tellson représentée par Jorvis Lorry mais aussi nous fait vivre cette période charnière entre les deux régimes en scindant son oeuvre en trois livres. Il s’écoule 14 ans entre le livre I, qui s’ouvre sur l’an 1775 en Angleterre et le livre III qui se termine par l’année 1789, en France. De cette manière, nous faisons connaissance avec l’ensemble des protagonistes, avant d’atteindre le point de non retour, qui explique les différents comportements qu’ils auront: le « avant révolution française » et le « pendant révolution ». Dickens joue avec les rebondissements mais annonce également la couleur des événements à venir; si vous avez envie de vous plonger dans ce livre, je me permets de vous conseiller, pour profiter pleinement de votre lecture, d’être extrêmement attentif au moindre détail qui se révélera capital par la suite: tout a un sens, tout s’explique, le scénario est extrêmement bien ficelé, faites confiance à M. Dickens!

En France, il est principalement question de la prison de la Bastille qui jouxte une rue qui s’appelle la rue du faubourg Saint-Antoine. Et ce quartier, pour y avoir travaillé un certain temps je le connais bien étant donné le nombre de fois que je l’ai arpenté! Cela à contribuer à me rendre vivant le décor peint par Dickens, à m’imaginer cette rue pavé, crasseuse où pullule la vermine, où les gens crèvent dans l’indifférence des dirigeants toujours en s’accrochant à l’espoir du dernier souffle. Le peuple souffre, à faim, est considéré comme un être inférieur, une sous race que l’aristocratie et la royauté étouffent, briment, taxent car le peuple n’a que le droit de payer ses impôts, de subir l’injustice et la corruption (c’est ce qui est arrivé au Docteur Manette) et de mourir en silence. Et ce tableau, cette vie qui ne peut exister, cette rage qui monte progressivement des entrailles, qui est immobilisée dans le tricot de Mme Défarge, prend tout son sens lorsque c’est Dickens qui en parle. Et ce qui est fabuleux, c’est qu’en peignant les conditions de vie du peuple français, Dickens conserve la dignité de l’homme et ne tombe nullement dans le misérabilisme.

Sont présents cependant des sentiments et des valeurs positives telles que l’amour, l’amitié, la loyauté, la sincérité et la solidarité qui donnent un souffle de légèreté à toute cette tragédie.

Paradoxalement, le peuple français qui se soulève, se transformera en bête sanguinaire et infligera non seulement à ses dirigeants mais à d’honnêtes citoyens innocents, ce que justement il ne veut plus; car alors qu’il se bat pour les valeurs d’Humanisme, de reconnaissance, de Justice, sous couvert de la République et de sa devise « Liberté, égalité, Fraternité – ou la Mort », sa justice sera expéditive, seul compte le nombre de tête qui tombe quotidiennement, l’Homme est oublié dans ce chaos; la prise de pouvoir par le peuple, non formé à une telle charge, est un mal profondément nuisible, mais ouvre de meilleures perspectives pour les générations futures: au-delà de toute cette boucherie, c’est l’espoir qui se dessine : « Je vois une ville splendide et un peuple glorieux surgir de cet abîme; et dans ses luttes pour devenir vraiment libre, dans ses triomphes et ses défaites, je le vois expier peu à peu les forfaits de cette époque et de celle qui l’a précédée et engendrée, et les effacer à tout jamais » (page 399)

Son style contribue à rendre passionnant l’oeuvre qu’il nous livre, où la violence est omniprésente. En effet, il personnifie les objets et les choses; par exemple les murs du château du Marquis deviennent humains à la nuit tombée « Pendant trois longues heures, les effigies de pierre de la façade du château regardèrent les ténèbres de leurs yeux aveugles […] Pendant trois longues heures, les pierreux visages d’homme et de lion scrutèrent la nuit noire de leurs yeux aveugles » (pages 148-149) et lorsque le soleil se lève: « Tandis que la lumière augmentait, le soleil effleura la cime des arbres immobiles et empourpra la colline. Dans cet embrasement, les figures de pierre devinrent cramoisies et l’eau de la fontaine rougit comme du sang » (page 149); le sang devient le vin dont s’abreuve inlassablement Dame Guillotine qui est un excellent barbier…En outre, il dé-personnifie les personnages en leur ôtant leur qualité d’homme; une révolutionnaire s’appellera la Vengeance tout simplement, les révolutionnaires hommes, les citoyens, ne seront que des « Jacques », inspirés des jacqueries du passé, distingués par des numéros: Jacques un, Jacques deux, Jacques trois, Jacques mille…

Par ailleurs, un « Dickens » sans satire ne pourrait être un « Dickens »: le premier procès de Charles Darnay à Londres est une égratignure supplémentaire au système judiciaire anglais, tout comme, selon moi, les conditions de la population en France: d’où la nécessité de réformer ces systèmes des deux côtés de la Manche. La France amorce un changement majeur via la Révolution de 1789, mais à quel prix…

Bref, un texte magnifique qui aborde la Révolution française d’une bien meilleure manière que n’importe quel cours d’Histoire, et qui me rappelle que la France a été souvent citée lors du printemps arabe ou de ce qui se passe en Turquie en ce début d’été 2013; une telle boucherie peut difficilement être louable et servir d’exemple; en revanche, nous avons des devoirs, dont celui de mémoire mais aussi de protection d’un système réussi qu’est la République. A lire absolument.

Coup de coeur de mes coups de coeur 2013!

LC organisée par Shelbylee avec d’autres lectrices, dont le nom sera mis au fur et à mesure…et participation au Challenge Gilmore Girls de Touloulou.

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« Comme une confidence crépusculaire »

Lettre d’une inconnue, de Stefan Zweig, extrait de Amok, Le livre de poche, littérature autrichienne, 54 pages, des pages 103 à 157.

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  • Résumé: Le célèbre romancier, M. R…, rentre chez lui, le jour de son anniversaire, après un séjour prolongé à la montagne, et s’enquiert du courrier reçu durant son absence. Après un tri, il s’attarde sur une longue lettre « rédigée à la hâte, d’une écriture agitée de femme » , de plusieurs feuillets, qui va lui raconter l’histoire d’une femme: celle d’une adolescente, d’une jeune femme puis d’une femme mais aussi celle d’une maman. Un voile mystérieux pèse sur cette lettre qui semble parachutée chez lui par hasard ou peut-être par erreur. Pourtant, progressivement les liens apparaissent, se tissent, entre M. R le romancier et l’inconnue, qui se révélera ne pas être si inconnue que cela avant de sombrer à nouveau dans l’anonymat…Malheureusement, la réception de cette lettre n’est subordonnée qu’à une tragédie…
  • Mes impressions: Zweig nous entraîne sans fioritures dans cette lettre, que nous parcourons d’une traite. Les mots sont pesés, les phrases interpellent le lecteur et plus particulièrement la lectrice, qui se retrouve à un moment ou à un autre dans les dires de cette inconnue. Je suis incroyablement surprise par la connaissance de l’auteur sur les pensées intimes et attitudes que peut avoir une femme à plusieurs moments clés de sa vie; cette lettre est telle une confidence voire même une autobiographie. L’inconnue, à partir de l’événement le plus intolérable qui peut survenir dans la vie d’une mère, remonte le temps. Ainsi dans cette lettre, elle se dévoile en tant qu’adolescente, si naïve vis à vis de son voisin dont elle tombe amoureuse, victime d’un coup de foudre comme on rêve toute d’en avoir! Adolescente donc, elle épie et guette son voisin, se contentant de peu comme de ramasser ses mégots de cigarettes et les garder précieusement tel un trésor…Jeune femme, alors que sa beauté se révèle bien qu’elle ne semble pas encore la maîtriser, elle le séduit malgré elle, car elle l’aime depuis ses 13 ans; l’amour profond qu’elle lui voue secrètement justifie qu’elle se donne à lui si facilement. Elle prend ce qui lui offre, n’exige rien en retour, profite de ces moments qui sacralisent son amour, tout en lui érigeant au fond de son être les plus belles attentions, la fidélité la plus pure. Il est vrai que son amour pour cet homme vire à l’obsession et paraît démesuré voire fou, mais n’est-ce pas cela, l’Amour? A aucun moment, elle n’ira polluer sa vie, se contentant de rencontres fortuites, ne vivant que pour lui, et par conséquent souffrant en silence de ne pouvoir partager sa vie. Car elle partage la vie d’autres hommes; en effet, mère célibataire à une époque où cela n’était pas convenable et voulant le meilleur pour son enfant, elle use de ses charmes pour s’offrir, et offrir au fruit de son amour, la plus douce et agréable vie possible. J’ai été très marqué par les conditions de l’accouchement de cette femme. Seule, elle s’est rendue dans un hôpital miteux pour les pauvres qu’elle décrit comme un « abattoir de la souffrance »; cela sera un des éléments déclencheurs qui la pousseront à avoir une vie que certain qualifierait de débauche. Finalement peu importe la vie qu’elle a, je trouve que sans prétention de sa part, elle explique ses choix les moins pires pour s’en sortir en tant que mère célibataire au début du XX° siècle; qui pourrait juger de son badinage à elle lorsqu’on connaît la légèreté de vie que s’accorde M. R…, Romancier? Mais a-t-elle été heureuse? J’ai des doutes…Il y aurait encore beaucoup de choses à dire et à analyser tant les sentiments et l’émotion se dégagent à chaque phrase; aussi je vous propose de la lire et de vous en faire votre propre opinion. Un texte très court mais avec une vraie valeur! 

Grâce à cette LC partagée avec Noctenbule et Métaphore, j’ai découvert Stefan Zweig plus tôt que prévu, et ne compte pas m’arrêter là!

     

Dickensmania & LC

Il arrive toujours des coups de foudre littéraires dans la blogosphère!

Sous le charme de Dickens, Shelbylee a pris en main l’organisation de deux LC du monde dickensien, et j’espère  que vous irez vous inscrire chez elle pour nous suivre dans notre dickensmania car l’essayer c’est l’adopter! En effet, si vous aimez l’époque victorienne, la satire sociale saupoudrée d’humour anglais avec une analyse sociétale et psychologique, et si vous appréciez vous glisser dans un univers et aller au fond des choses, n’hésitez pas! Un doute? Commencez par le Conte des deux villes, roman historique sur la Révolution française où nous voyagerons de Bastille à Londres, avec moins de 500 pages…

  • Un conte de deux villes pour le 29 juin
  • David Copperfield pour le 31 août

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« De grandes espérances »

De grandes espérances de Charles Dickens, Le livre de poche classique, 607 pages.

  • dickensRésumé du livre: C’est l’histoire d’un petit garçon, dont le nom de baptême Philip Pirrip est devenu « Pip » car beaucoup plus facile à prononcer pour un enfant, qui va se transformer en jeune homme, « Monsieur Pip » ou « Haendel » dans l’intimité, avant de devenir un homme, qui trouvera enfin son identité car il s’appelle « Pip », « Pip » tout court. Pip, le narrateur nous livre ici l’histoire de sa vie; l’histoire d’un petit garçon ordinaire au destin extraordinaire.

Comme beaucoup d’enfants du XIX° siècle Pip est orphelin. Recueilli et élevé « à la main » par son exécrable soeur, Mrs Joe Gargery, épouse de Joseph Gargery, forgeron de métier, son enfance est d’une tristesse aussi sinistre que les brouillards qui entourent les marais, près de leur maison. Souffre douleur préféré de sa soeur qui manie avec dextérité le fouet prénommé « Chatouilleur », cette dernière aime se faire remarquer en société en arguant le fait qu’elle s’occupe de son petit frère car comme elle le répète elle l’élève à la main. Heureusement qu’il trouve chaleur et réconfort auprès du bon Joe, son meilleur ami et de Biddy une petite fille pleine de douceur, un peu plus âgée que lui, qui lui apprend à lire. Une première rencontre aussi étrange qu’inquiétante va venir perturber la vie quotidienne et ordinaire de ce petit garçon. Un forçat évadé, essayant de se cacher dans les marais, lui tombe dessus à la nuit tombée, le menaçant de sévices si il ne lui apporte pas des vivres. Pensez-vous que le jeune Pip, traumatisé par une telle rencontre, va s’exécuter redoutant davantage les terribles représailles du forçat-bagnard que le courroux de son affreuse soeur dès lors qu’elle s’apercevra que le garde manger a été pillé! Cependant, les gendarmes œuvrant pour retrouver l’évadé, même en ce jour de Noel, ne tardent pas à le renvoyer là où il doit être. Une deuxième rencontre tout aussi atypique dans un autre registre va venir mouvementer la vie de Pip. En effet, une dame de la ville, Miss Havisham, réputée être très riche, souhaite l’inviter pour jouer. Cette invitation est perçue comme un grand honneur pour Mrs Gargery et l’oncle Pumblechook, un homme vénal en perpétuelle représentation sociale. C’est ainsi que Pip est envoyé là-bas et va vivre une drôle d’aventure dans cette maison aux volets clos, Satis House, où le temps est suspendu, et où il découvre une femme cadavérique, à la peau flétrie, qui vit dans les souvenirs lugubres de l’échec de son mariage…Dans cet univers vieux et poussiéreux, Pip fait également connaissance avec la jeunesse et la beauté sournoise de la mystérieuse Estella dont il devient éperdument amoureux. Mais Estella est d’une beauté inaccessible dans la mesure où la jeune fille est la fille adoptive de Miss Havisham, cette femme qui caresse si bien la folie, et qui en a fait sa marionnette. En effet, Miss Havisham façonne et modèle la jeune fille afin qu’elle réalise certains desseins malsains auxquels elle la destine. La beauté charnelle d’Estella est aussi attirante que son comportement est cruel. Lors de ces rencontres d’un autre temps, Pip, errant dans le jardin, va se bagarrer avec un « jeune et pâle gentleman »…avant de retourner à ses marais, avec bien entendu une autre invitation à jouer… Voilà, pour le décor que j’assimilerais à la première partie de l’histoire qui suscite bien des questions: Que signifie cette mascarade? A quoi une femme âgée peut-elle jouer? Quelle est le rôle d’Estella? Quelle est l’identité du « jeune et pâle gentleman »? Que faisait-il dans le jardin? Pourquoi Pip?

Le mystère, déjà à son paroxysme, va s’épaissir lorsque Mr Jaggers, homme de loi londonien, rend visite à Pip et sa famille pour leur annoncer, qu’un(e) mystérieux(se) bienfaiteur (bienfaitrice) anonyme -dont l’identité ne peut être révélée que par cette personne- a de grands projets pour Pip afin de le transformer un gentleman. Si Pip accepte, il devra partir à Londres, et s’instruire auprès d’un tuteur afin de réaliser ses premiers pas dans la haute société, à l’unique condition de ne jamais évoquer ni rechercher cette personne inconnue qui semble avoir de grandes ambitions pour le garçon. Des rêves pleins la tête, Pip fort de sa nouvelle position sociale accepte le marché. Mr Jaggers, sans arrières pensées, peut lui conseiller un tuteur si il le souhaite, du nom de Mr Pocket, cousin de Miss Havisham, dont le fils Herbert est disposé à vivre en colocation avec lui… C’est ainsi que se mettent en place les grands espoirs, les ambitions secrètes, de notre jeune ami qui débarque à Londres pour vivre la grande vie à laquelle il aspire. Croquant la vie londonienne à pleine dent, Pip apprend aux côtés de M. Pocket, qui forme également deux autres jeunes hommes, Drummle et Startop, rencontre par ailleurs la famille de son tuteur, devient intime avec le plus proche collaborateur de son tuteur, Mr Wemmick dont la bouche à une forme de boîte aux lettres, et vit dans un château…L’agression dont est victime sa soeur, est malheureusement l’occasion pour Pip de revenir chez lui, mais un fossé se creuse progressivement entre ses origines et ses aspirations. Et puis, un beau jour, Pip a la révélation qu’il attendait tant, lourde de conséquence…

  • Mes impressions: Bien qu’ayant eu des difficultés à m’approprier l’histoire au début, où on pourrait être tenté d’abandonner le livre, quoique les nombreux rebondissements incitent à dévorer le chapitre suivant, il faut insister afin que l’intrigue devienne complète et se révèle au grand jour, car ce n’est vers la fin que tout s’incrémente et que les messages distillés par l’auteur prennent tout leur sens. Réaliste, Dickens croyait en l’homme et en son pouvoir de choisir sa destinée: cela est véhiculé par Pip. Un Homme peut être à la fois bon et mauvais, agir d’une certaine manière dans un contexte qui lorsqu’il est connu permet de comprendre le fondement de telle ou telle attitude; mais en communiquant et en expliquant un autre point de vue, la vision de cette personne peut par ailleurs évoluer, car les situations ne sont jamais figées: je pense à Miss Havisham et Estella; une position sociale ne procure aucune valeur de plus ou de moins à un individu: l’amitié, la vraie, celle que Joe, le « simple forgeron » porte à Monsieur Pip, « le gentleman », est un pilier pour Pip qui dans l’excitation de vivre ses grandes espérances l’oubliera un temps, or une telle amitié est précieuse. L’amitié aussi se définit par l’aide et le soutien d’un ami dans ses projets comme le fait Pip avec Herbert.

En ce qui concerne la forme du roman, j’ai énormément apprécié l’humour de Dickens, ses jeux de mots et sa manière de donner une âme aux objets (le fouet s’appelle chatouilleur) ou de caractériser les humains par des attitudes mécaniques (la boîte aux lettres de Wemmick) et de ponctuer le récit de fantaisie (Wemmick vit dans un château à pont levis). Dickens met, à mon avis, un point d’honneur à valoriser les petites gens, tels Joe ou Biddy, et prend un malin plaisir à critiquer ceux qui disposent du pouvoir: il ridiculise l’oncle Pumblechook qui lorsque la nouvelle situation de Pip est connue se vante d’être son meilleur ami et ne cesse de lui serrer les mains. Il insère aussi une notion du justice pour tous via l’insondable Mr Jaggers. Mon billet serait incomplet, pour ma part, si je ne mentionnais pas que Dickens a écrit deux fins à cette histoire: une version pessimiste et une version optimiste sous l’influence d’un de ses amis, qui est proposé dans cette version du Livre de poche.

En bref, une oeuvre que je vous encourage à découvrir si vous ne la connaissait pas encore!

Une belle découverte -une de plus- que je n’aurais pas encore faite sans l’organisation de cette LC par Adalana, je vous invite à aller voir les commentaires de mes co-lectrices qui sont centralisés chez Adalana, par ici. De plus, cette lecture me permet de participer au challenge Gilmore Girls, niveau Jess de Touloulou.

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Nouvelle LC: Maître et Marguerite

Les tentations n’en finissent pas dans la blogosphère…

Pour le mois d’août, je participe à la LC du « Maître et Marguerite » de Boulgakov organisée par Noctenbule: pour vous inscrire, c’est par ici.

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me et margueriteJ’avoue avoir craqué pour la couverture de cette édition de chez Robert Laffont au félin si majestueux… 

 

 

De plus, cette lecture entre dans le Challenge Gilmore Girls de Touloulou!

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Quelle époque!

Quelle époque! de Anthony Trollope, J’ai Lu, 807 pages.

                          

  • anthony-trollope-quelle-c3a9poqueRésumé du livre: Augustus Melmotte a trouvé racine à Londres, après avoir vécu, avec sa deuxième épouse et sa fille, Marie Melmotte, dans plusieurs villes d’Europe. Homme d’affaires charismatique de la City  il va très vite être la personne qu’il convient de fréquenter dans cette Angleterre de fin du XIX* siècle. Son savoir-faire et sa connaissance du monde de la finance sont mis à profit de la grande construction du Chemin de fer du Pacifique Centre et Sud du Mexique, entrepris aux Etats-Unis. En qualité de décideur et de représentant des actionnaires anglais, il est propulsé à la tête de la City. Sa réputation le conduira même à se lancer dans la politique, et à recevoir le Grand Empereur de Chine, dans sa maison de Grosvenor Square. C’est dire la puissance et le pouvoir de cet homme! Pourtant un homme qui terrorise sa femme et bat sa fille en la réduisant en « chair à pâté » , peut-il être considéré comme un véritable gentleman?

Tous les nobles anglais admirent et reconnaissent ce nouvel arrivant, Melmotte, qui offre à  Lord Alfred, Lord Nidderdal (un des courtisant de Marie Melmotte), puis Lord Longestaffe père, en plus de Sir Felix Carbury, Miles Grendall, Paul Montague et d’autres, un siège au conseil d’administration de la fameuse Compagnie.

Du coté de la famille Longestaffe, de grosses difficultés financières poussent le père de famille à se mettre en affaires avec Melmotte. Ses décisions sont mal acceptées par son fils, Dolly (ami de Sir Felix) et sa fille aînée, Miss Georgiana Longestaffe, pour laquelle il est important de se marier avec londonien, peu importe sa religion, du moment qu’il est riche pour lui assurer un train de vie digne d’une vraie Lady!

Lady Carbury, veuve, mère de deux enfants en âge de se marier, est une pseudo romancière qui attache la plus grande importance à l’image qu’elle renvoie à la société londonienne, en fréquentant journalistes et hommes d’affaires. Excellant dans l’art subtil du paraître et du plaire, son côté matérialiste la pousse à imaginer des solutions pour lui éviter la ruine, qui menace sa famille, à très court terme. Elle ambitionne de marier son fils, Sir Félix, jeune baronnet au physique avantageux, avec Marie Melmotte (la fille du grand financier Melmotte) qui est, selon elle, le meilleur parti du tout Londres. Seulement, l’amour incommensurable qu’elle porte à son fils ne suffit pas à donner une éducation à Félix qui ne pense qu’à jouer de l’argent aux cartes en buvant de la fine-à-l’eau à son club, la Fosse-aux-ours. Son train de vie est source de dépenses si importantes qu’il dilapide à vue d’oeil l’argent de sa mère. Eu égard à son côté égocentrique, son physique de jeune premier lui permettra de rencontrer la très courtisée Marie Melmotte et fera la fierté de sa mère. En plus de cette histoire, Lady Carbury essaie d’arranger un mariage entre sa fille, Henrietta Carbury -dit Hetta- et son oncle Roger Carbury. Roger Cabury est un homme sage, d’un certain âge, avec de vraies valeurs, qui attache la plus haute importance aux principes édictés par sa condition sociale. Il vit à la campagne, dans le château de Carbury, patrimoine familial des Carbury et loue quelques terres aux fermiers du coin.  Amoureux de sa cousine, la jeune Hetta, il devra composer avec son meilleur ami puis rival, Paul Montague, pour gagner le coeur de sa dulcinée qui semble être sous le charme du fameux Paul.

Ce dernier, Paul Montague se trouve embarqué dans des histoires professionnelles (en qualité d’administrateur de la Compagnie du Chemin de Fer) et personnelles (avec le retour de Mrs Hurtle, une mystérieuse américaine qu’il avait promis d’épouser avant de rencontrer Miss Carbury) dont les issues semblent compromises.   

Cette Mrs Hurtle, loin du pays dont elle est native, réside dans une pension à Londres chez Mrs Pipkin. Elle ambitionne d’épouser Paul Montague quoi qu’il arrive et se pose en véritable femme fatale. Femme donnant l’illusion de tout maîtrisé, et très sûre d’elle, elle est au fond d’elle détruite par le rejet initial de Paul, et déploie des trésors de reconquête comme seule une femme amoureuse, trahie et jalouse, peut le faire. Elle est admirée à son insu par sa logeuse Mrs Pipkin qui est une tante éloignée de Ruby Ruggles, une fille de la campagne vivant près des terres de Roger Carbury. Rubby a fui de son domicile afin de retrouver son amoureux, le baronnet Sir Felix, qui l’emmène danser aux music hall londoniens. Promise à un boulanger du nom de John Crumb au physique dégoûtant, on comprend aisément son attirance pour le beau Felix…Malgré elle, elle découvrira qu’on ne peut construire une vie uniquement sur le physique, mais l’amour ne rend-il pas aveugle?

  • Mes impressions: Grandiose! Si on dépasse les caractères minuscules de l’édition J’ai Lu et l’affreuse couverture, on est propulsé dans une Angleterre en pleine expansion qui traite de sujets complets et complexes à travers tous les personnages créés par Trollope. Ce qui est frappant, c’est de noter que les comportements actuels ne sont pas si différents des comportements du XIX* siècle: comme dit un homme que j’admire « nous croyons être supérieurs dans nos connaissances parce qu’il n’y pas d’autres sociétés plus avancées que les nôtres aujourd’hui; par conséquent nous avons tendance à juger le passé avec notre savoir, alors que… » Cependant quand je pense au scandale Madoff, on peut aisément faire des parallèles avec Melmotte. Les problèmes de religion et d’intolérance sont eux-aussi toujours d’actualité. La condition des femmes -même si on n’est loin des conditions du XIX* je vous l’accorde- laisse à désirer dans certains pays et mériterait d’être améliorée dans d’autres. D’ailleurs les femmes de Quelle époque! s’émancipent progressivement. Ainsi, l’auteur égratigne chaque pan de la société décrit avec brio, tout en ironie, satire et psychologie, et captive son lecteur qu’il n’hésite pas à interpeller régulièrement pour en faire un acteur à part entière du roman. J’ai beaucoup aimé les histoires sentimentales, le côté business de la city, l’influence de la presse, les diverses manipulations et corruptions, les rebondissements, les descriptions des us et coutumes de la société anglaise agrémentées des comportements des gentlemen, les combats intellectuels des hommes de loi, l’église anglicane et l’église de Rome qui s’opposent… Le côté politique avec l’élection des parlementaires à la Chambre des communes a été une découverte pour ma part et me donne envie de mieux comprendre les mécanismes politiques anglais.                                                                                                                                      Bref, je suis totalement sous le charme de Trollope (1815-1882), contemporain de Dickens qui gagne à être connu en France. J’espère que ce billet un peu long vous aura convaincu de vous plonger dans l’univers de Quelle époque! qui est mon premier coup de coeur de cette année 2013. Pour la petite anecdote, cette épopée a été publiée en plusieurs feuilletons dans les journaux en vigueur à ce moment là en Angleterre; l’histoire est donc accessible, et les chapitres relativement courts sont ponctués de rebondissements qui incitent à aller toujours plus loin dans la lecture. Séduite par l’auteur, j’ai Miss Mackenzie et Le Docteur Thorne, dans ma bibliothèque, je lorgne sur La Vendée, oeuvre historique de l’auteur, et ne compte pas m’arrêter là dans sa bibliographie.

Je remercie chaleureusement Adalana qui est à l’origine de cette lecture, pour son organisation et surtout pour nous avoir motivé(e)s à ouvrir ce pavé dans le cadre de cette lecture commune! Ci-joint les avis de Shelbylee, Syl, Titine, Céline, et des autres à venir…Je me permets de vous glisser celui de Marie, qui a eu le courage -selon moi- de le lire en anglais.