Le code d’Esther: et si tout était écrit…

Le code d’Esther, de Bernard Benyamin avec Yohan Perez, First Editions, 269 pages, Histoire/document.

  • le code d estherNotes liminaires: Je n’aurais pas lu ce livre sans le conseil avisé de mon papa qui nous (nous étant mon Chouchou et moi) l’a présenté à Noël. Il s’est donc empressé de le finir pour me le confier, afin que je reparte avec lui à Paris. Il est bien de préciser que mon père est un passionné de la seconde guerre mondiale, qui a notamment lu l’intégralité des minutes des procès verbaux de Nuremberg; par conséquent, je ne pouvais pas ne pas me fier à son jugement quant à ce livre. Depuis 6 mois, ce livre traînait sur nos tables de chevet, et il aura fallu attendre que j’aille voir le nouveau film sur Hannah Arendt pour m’y plonger. En effet, j’y ai découvert cette philosophe juive allemande et sa théorie sur la banalité du mal lorsqu’elle a couvert le procès d’Eichmann à Jérusalem dans les années 60, d’ailleurs chroniqué chez Lulamae, et ai hâte de lire le rapport qu’elle en a fait. En attendant, j’avais le Code d’Esther…
  • Résumé:

Tout est parti d’une phrase, sans doute la dernière, lancée par un nazi du nom de Julius Streicher avant d’être pendu à l’issue du procès de Nuremberg: « Ce sont les juifs qui vont être contents! C’est Pourim 1946! » Pour information, Pourim est le nom d’une fête juive. Mais quel est le rapport entre cette phrase prononcée par un nazi juste avant qu’il ne soit pendu et cette fête? Qu’a t-il voulu dire? Ironie du sort :un homme jugé pour crime contre l’humanité, à l’article de la mort, évoque une fête célébrée par ses victimes, y a-t-il un lien, une menace, une critique de plus, une ultime folie qui s’empare de lui?  » Pourim 1946? Que signifient ces paroles? Existe-t-il un lien entre ces mots et un texte datant de près de deux mille ans, le rouleau d’Esther? Quels autres mystères cache ce procès? Cette enquête sur la prophétie la plus troublante du XX° siècle va tenter d’y répondre. » (page 25)

Ce livre tente d’apporter des réponses à ces questions, et y réussit plutôt bien à mon avis, et est l’aboutissement de plusieurs années de recherches pour Yohan Perez qui a su s’entourer du journaliste de France 2 qui a crée « Envoyé Spécial », Bernard Benyamin, pour avancer, finir son enquête et rendre public leur travail.

On avance donc pas à pas dans ces recherches et la construction intellectuelle se fait au fur et à mesure, en suivant un fil conducteur extrêmement logique.

Si vous êtes pressé(e) ou ne souhaitez pas avoir plus de détails, en sachant que je ne révèle rien car ce n’est ni mon objectif et que cela signifierait raconter le livre, vous pouvez aller directement à mon avis ci-après, sinon voici la construction du livre:

1) Début à Nuremberg: présentation du procès et des 11 nazis jugés; ils ne seront que 10 à être condamnés à mort par pendaison, Göring s’étant suicidé, visite de la prison…

2) La fête de Pourim: ce qu’est cette fête, son histoire et celle d’Esther, les « oreilles d’Aman », pâtisseries juives…Je ne peux m’empêcher d’en faire un très rapide résumé: Le Roi Assuérus vient de bannir sa première femme et choisit Esther, une femme d’une beauté et d’une grâce inégalée, pour nouvelle épouse; il ne sait pas qu’elle est juive à ce moment là. Son royaume se développant fortement, le Roi décide de déléguer certaines tâches à un assistant, un Premier ministre, du nom d’Aman décrit comme un sinistre personnage avide de pouvoir qui fait régner la terreur. Un jour qu’il croise l’oncle d’Esther, ce dernier refuse de se prosterner devant lui, car cet acte ne peut être qu’accompli devant Dieu. Aman rentre dans une colère noire et décide de le punir ainsi que tous les autres juifs du pays. La punition est une condamnation à mort par pendaison. Esther, apprenant la nouvelle informe son mari de la terrible sentence qui pèse sur son peuple; le Roi choqué veut connaître l’identité de l’instigateur d’une telle barbarie. Il décide de le pendre ainsi que ses enfants avec la corde qu’il destinait au peuple juif. Le lendemain, Esther se présente devant le roi qui lui demande de faire un vœu: elle réitère son souhait en lui répondant « qu’on pende les 10 fils d’Aman » sauf que ces derniers ont déjà été pendus… Voilà pourquoi les juifs célèbrent Pourim: ils remercient Dieu de les avoir épargnés!

3) Interviews et rencontres de professionnels comme Avraham Malthète, épigraphiste et paléographe à l’Alliance israélite universelle, des rabbins notamment à Jérusalem. Progressivement les connexions entre le livre d’Esther et le développement de l’Allemagne nazie se révèlent via le poids numérique des lettres, des noms, des dates hébraïques converties en date grégoriennes.

4) A la recherche d’un « Aman » du XX° siècle: voyage à Landsberg en Bavière, rappel de la montée en puissance de Hitler et de la rédaction de « Mein Kampf », visite du camp de concentration de Landsberg…

5) Dernière ligne droite: les nazis avaient-ils décrypté le code d’Esther? d’où la dernière phrase de Julius Streicher; point du vue d’une psychanalyste sur la Shoah.

6) Ultime question: Et si…« Et si quelqu’un avait pu percer le mystère d’Esther avant la guerre, avant la Shoah, le cours des choses aurait-il pu être changé? » (page 244)

  • Mes impressions: Ce livre ou plutôt cette enquête m’a tenue en haleine. Car plus on lit, plus on découvre des faits troublants et plus l’incrémentation intellectuelle se fait. Pour moi, il s’agit d’un livre que tout le monde devrait lire car il laisse songeur et amène à réfléchir. Très peu vu dans la blogo, j’espère vous avoir incité à vous pencher dessus, j’ai réussi grâce à un célèbre moteur de recherche à lire 2 avis minces quant à son contenu sur lesquels je ne suis pas d’accord: on ne peut pas le présenter comme un thriller ésotérique!                                                                                                                                On part d’un fait historique: oui.                                                                                            On part d’un texte religieux: oui.                                                                                            L’analyse des deux se recoupe: oui.                                                                                        Les coïncidences sont troublantes: oui                                                                                  On adhère ou pas à la démonstration: oui ou non, chacun son avis, mais les analyses ne sortent d’aucune façon de l’imagination débordante d’un individu; elles résultent de travaux de recherches, d’analyses historiques, d’avis de professionnels. Et c’est cela qui me séduit mais aussi fait froid dans le dos! Je pense être à la fois très rationnelle, très droite, et très imaginative par moment, mais sur un sujet aussi lourd, ma part de cartésianisme prend le dessus; c’est également la démarche qu’a suivi Bernard Benyamin, démarche professionnelle d’un journaliste qui ne s’est pas laissé influencer par ses découvertes; il a creusé, a posé des questions toutes plus pertinentes les unes que les autres, bref, il a été au bout de sa mission, ce qui est très appréciable.                                                                                                                                      En revanche, j’aurai une critique à formuler. Le style « roman » m’a gêné au cours de ma lecture; l’auteur nous raconte, certes de manière structurée, linéairement son enquête comme dans un roman et par moment a tendance à trop décrire ses interlocuteurs par exemple. J’aurais davantage apprécié que ce compte-rendu soit réalisé sous forme de rapport; je trouve ici que la forme n’est pas au service du fond. Mais ce n’est que du ressenti car a contrario on peut considérer que B. Benyamin nous livre tous ses sentiments et nous prête ses yeux, pour mieux nous entraîner avec lui dans ses recherches. 

J’ai donc apprécié ce livre, comme vous l’aurez compris je pense, non seulement par la qualité des informations fournies, j’ai d’ailleurs appris des choses que j’ignorais, mais aussi par le fait qu’une méconnaissance de la religion juive ne pose pas de difficultés, tout est expliqué. Du point de vue des âmes sensibles, la lecture ne laisse pas indemne, mais aucun passage tombe dans des descriptions terribles, notre imagination et ce que chacun a pu voir de part sa propre expérience est bien suffisant.

Bref, je ne suis pas prête d’oublier cette lecture, deuxième coup de coeur 2013!

J’inscris cette lecture au challenge Petit Bac 2013 d’Enna/catégorie Prénom.

Challenge petit bac 2013
Challenge petit bac 2013

5 réflexions sur “Le code d’Esther: et si tout était écrit…

  1. C’est gentil de m’avoir mentionnée dans ton article, j’espère que ma modeste contribution te donnera entière satisfaction ! En tout cas je ne suis pas loin si tu veux plus d’info sur Eichmann à Jérusalem qui est trop dense et trop épais pour être correctement traité en un seul article. Quant au code d’Esther il atterrira certainement dans ma PAL quand celle-ci aura diminué de taille !

    1. Ton article m’a plu et l’affaire Eichmann m’a incité à ouvrir le code d’Esther…J’ai hâte de le lire -malgré une PAL débordante- et qu’on échange dessus! A très vite

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